Déclenchement artificiel du travail
France | 28 juillet 2022
Par Anne-Claire N.
Nous vous proposons de découvrir un extrait de l'ouvrage Pratique de l'accouchement S’ouvre dans une nouvelle fenêtre
Déclenchement artificiel du travail
M. Doret, M. Massoud
Objectifs
Expliquer les risques maternels et fœtaux liés au déclenchement.
Énumérer les indications et contre-indications du déclenchement.
Sélectionner les patientes dont le déclenchement peut être tenté avec de réelles chances de succès.
Surveiller un accouchement déclenché, prévenir et traiter les éventuelles anomalies du travail.
Discuter les différents moyens de déclenchement du travail, leurs avantages, leurs inconvénients, leurs indications et contre-indications.
Le déclenchement du travail est l'induction artificielle des contractions utérines avant leur survenue spontanée, dans le but d'obtenir un accouchement par les voies naturelles chez une femme qui n'est pas en travail. Il peut être réalisé au troisième trimestre, à terme ou à distance du terme, pour des raisons médicales ou dans le cadre d'un accouchement programmé. Les techniques utilisées pour le déclenchement du travail au deuxième ou au troisième trimestre, pour mort fœtale in utero ou interruption médicale de grossesse, doivent être formellement distinguées, tant les méthodes et les contraintes de surveillance sont différentes. Elles seront traitées séparément.
La dernière enquête périnatale révèle qu'en France, en 2016 [16], plus d'une femme sur cinq est déclenchée (22 %), ce taux est resté stable entre 2010 et 2016. Ce taux avait doublé entre 1981 (10,4 %) et 1995 (20,5 %), puis s'était stabilisé (20,3 % en 1998 et 19,7 % en 2003) [8] pour augmenter de 3 points entre 2003 et 2010 (passer de 19,7 % à 22,7 %).
Déclenchement artificiel du travail sur enfant vivant
Indications de déclenchement
Le déclenchement est réalisé soit parce qu'il existe un bénéfice pour la mère ou l'enfant à mettre fin à la grossesse (déclenchement d'indication médicale), soit pour des raisons organisationnelles, sociales ou psychologiques sans qu'il y ait d'indication médicale (déclenchement de convenance ou d'opportunité). Les indications de déclenchement du tableau 27.1 proviennent de l'étude MEDIP, étude de cohorte prospective réalisée en France en 2015 afin d'actualiser les connaissances sur les pratiques françaises du déclenchement [7].
Déclenchement d'indication médicale
Il est envisagé lorsque le bénéfice pour le fœtus ou la mère à abréger la grossesse est supérieur à une attitude expectative, qui peut potentiellement prolonger la grossesse de plusieurs semaines. Le bénéfice pour le fœtus doit être évident au vu du risque d'échec de déclenchement conduisant à une césarienne, ou du risque de d'hypoxie fœtale pendant le travail, qui pourrait alors plutôt conduire à choisir une césarienne d'emblée. En 2015, en France, le déclenchement d'indication médicale représentait 90,2 % des indications de déclenchement [7].
Les indications de déclenchement d'indication médicale sont en perpétuelle évolution du fait de l'évolution des connaissances et des risques liés aux différentes situations obstétricales. Ainsi, si les recommandations du CNGOF datent de 1995 et celle de la HAS de 2008, de nombreuses recommandations pour la pratique clinique (RPC) publiées depuis, concernant une situation obstétricale particulière (par exemple le diabète gestationnel en 2010), viennent compléter ces données [11, 27]. Les RPC françaises sont consultables en accès libre sur le site du CNGOF et sur le site de la HAS [27].
À l'heure actuelle, les principales indications sont :
la grossesse prolongée et la rupture prématurée des membranes. La grossesse prolongée est la principale cause de déclenchements d'indication médicale en France (28,7 %) [7]. Quinze à 20 % des patientes n'ont pas accouché avant 41 SA. Le déclenchement est recommandé à partir de 41 SA car il réduirait la mortalité périnatale (qui augmente d'autant plus que la grossesse se prolonge audelà de 42 SA), sans augmenter le risque de césarienne [15, 27, 36]. En 2011, en l'absence de pathologie, le CNGOF recommandait de proposer un déclenchement à partir de 41 SA, après avoir informé la patiente des bénéfices et risques du déclenchement et de l'expectative [15];
la rupture des membranes à terme (après 37 SA) : 25,4 % des déclenchements d'indication médicale [7]. Selon les recommandations pour la pratique clinique du CNGOF de 2020 portant sur la rupture prématurée des membranes à terme avant le travail (RMTAT), l'attitude expectative ou le déclenchement du travail peuvent être proposés et ce même en cas de dépistage positif du streptocoque B, en fonction du désir de la patiente et de l'organisation des soins dans les maternités. Il est toutefois recommandé de prescrire une antibioprophylaxie par bêtalactamines en première intention après 12 heures de rupture [43];
la prééclampsie et l'hypertension artérielle gravidique : 7,2 % des déclenchements d'indication médicale [7]. La naissance est le seul traitement curatif. Le choix entre déclenchement et césarienne dépendra des chances de succès du déclenchement et de l'état fœtal. Un déclenchement n'est concevable qu'en l'absence d'altération du rythme cardiaque fœtal. Selon les recommandations de la HAS, une hypertension artérielle isolée, sans signes fonctionnels, une hyperuricémie ou une protéinurie isolées ne constituent pas une indication de déclenchement du travail; une surveillance est cependant nécessaire [5];
le diabète de type 1 ou 2 et le diabète gestationnel : 7,1 % des déclenchements [7]. Les risques de mort fœtale in utero inexpliquée et de macrosomie sont plus importants chez les femmes diabétiques. La HAS indique qu'en cas de diabète insulinodépendant, le déclenchement relève d'une décision pluridisciplinaire au cas par cas. Si le diabète est mal équilibré ou avec retentissement fœtal, il est recommandé de ne pas dépasser 38 SA + six jours [27]. En cas de diabète gestationnel, un déclenchement sera envisagé en cas de diabète mal équilibré ou de macrosomie fœtale. Il sera programmé à partir de 39 SA du fait d'une augmentation du risque de détresse respiratoire avant ce terme. Dans les autres cas, il n'y a pas d'argument qui justifie une conduite à tenir différente de celle d'une grossesse normale [27, 14]. Noter que la macrosomie chez la femme non diabétique n'est pas une indication de déclenchement [27, 35];
le retard de croissance intra-utérin : 5 % des déclenchements [7]. Les recommandations les plus récentes sont celles du CNGOF publiées en 2013 [38] : «En comparaison du fœtus de poids normal pour l'âge gestationnel, le fœtus porteur d'un RCIU est un fœtus fragilisé pour qui l'accouchement représente une période à risque d'acidose métabolique ou d'asphyxie périnatale […] Bien qu'à un terme précoce le recours à la césarienne soit fréquent, il n'existe pas de preuve de la supériorité de la césarienne systématique par rapport à la voie vaginale, en particulier quand la patiente est en travail. Un déclenchement, même sur col défavorable, est envisageable sous surveillance continue du rythme cardiaque fœtal dans les situations obstétricales favorables et en l'absence de perturbations hémodynamiques fœtales sévères. » Les indications de naissance sont issues d'un faisceau d'arguments incluant l'âge gestationnel, la sévérité du RCIU et des perturbations Doppler, de l'enregistrement du RCF et de l'état maternel (association ou non à une prééclampsie) [42];
les grossesses gémellaires. Le risque de complications obstétricales augmente au troisième trimestre, justifiant une surveillance rapprochée et un déclenchement de l'accouchement à partir de 38 SA et avant 40 SA pour les grossesses gémellaires bichoriales biamniotiques non compliquées, à partir de 36 SA sans dépasser 38 SA + six jours pour les grossesses monochoriales biamniotiques. Pour les grossesses monochoriales monoamniotiques, la césarienne est privilégiée (entre 32 et 36 SA) [13]
Il existe beaucoup d'autres indications, moins fréquentes, qu'elles soient fœtales (par exemple l'allo-immunisation fœtomaternelle, certaines malformations fœtales pour une organisation optimale de la prise en charge chirurgicale) ou maternelles comme dans les pathologies maternelles chroniques susceptibles de s'aggraver avec la grossesse et plus particulièrement au troisième trimestre (par exemple certaines cardiopathies, pneumopathies), ou lorsqu'un traitement maternel nécessite une interruption ou un changement de traitement pour une durée limitée (par exemple anticoagulant à dose curative chez les femmes avec une valve mécanique), ou encore devant la nécessité de débuter rapidement un traitement toxique pour le fœtus dans l'intérêt maternel (par exemple le cancer). Dans ces cas, les modalités du déclenchement et son terme optimal seront discutés au cas par cas avec les différents professionnels en charge de la patiente et/ou de l'enfant à naître.
Déclenchement de convenance ou déclenchement sans cause maternelle ou fœtale
Dans ce cas, il n'y a aucune pathologie maternelle ou fœtale justifiant de déclencher l'accouchement. Les avantages du déclenchement sont alors d'ordre social, psychologique ou organisationnel pour le couple ou pour la maternité. Un antécédent de travail rapide (< 2 h) ou l'éloignement de l'hôpital peuvent aussi être des motifs pour proposer un déclenchement de convenance. Néanmoins, la notion du «déclenchement de convenance » tel que nous l'avons décrit serait sûrement à revoir dans le futur au vu des données récentes de la littérature, il serait même plus approprié de remplacer ce terme par « le déclenchement sans cause maternelle ou fœtale ». En effet, sachant que l'accouchement avant 39 SA est associé à un moins bon devenir périnatal qu'un accouchement à terme [37] et que les risques périnataux qui augmentent après 41 SA [39], un essai multicentrique randomisé américain (essai ARRIVE) a été réalisé chez les patientes à bas risque afin d'évaluer les conséquences périnatales et maternelles d'un déclenchement du travail entre 39 et 39 SA + 4 jours [26]. Ainsi, Grobman et al. ont montré que le déclenchement à 39 SA chez des patientes à bas risque sans indications maternelle ou fœtale était associé à un taux de césarienne plus faible qu'en cas d'attitude expectative mais pas à une diminution significative des complications périnatales (décès néonatal et complications néonatales sévères). Toutefois ces résultats restent à être confortés par une étude française puisque nos pratiques obstétricales diffèrent, particulièrement les phases de latence très longues aux États-Unis (15-24 heures) qui pourraient modifier nettement les résultats en termes de taux de césarienne. À l'heure actuelle, il semble plus prudent de maintenir le respect des conditions suivantes pour accepter un déclenchement sans cause maternelle ou fœtale [27] :
le terme doit être précis;
le déclenchement se fait à partir de 39 SA;
l'état fœtal et l'état maternel doivent être rigoureusement normaux ;
l'utérus n'est pas cicatriciel;
la présentation doit être céphalique ;
il ne doit pas y avoir de doute sur une disproportion céphalopelvienne ;
le score de Bishop doit être supérieur ou égal à 7 ;
la patiente doit être informée des risques potentiels et son consentement doit être obtenu.
La maturation du col par les prostaglandines ne devra être pas être acceptée pour obtenir ces conditions car elle expose au risque d'hyperstimulation et d'asphyxie fœtale ou d'échec conduisant à une césarienne. Les risques et le coût d'une telle procédure ne sont pas compatibles avec une grossesse par ailleurs normale.
La patiente ayant été informée et ayant donné son consentement, la responsabilité de la décision incombe au médecin responsable de la salle de naissance qui réévaluera les conditions maternelle et fœtale et initiera le déclenchement après avoir inscrit dans le dossier ses constatations, l'information donnée à la patiente et son accord, et confirmé l'absence de contre-indication [11].
Contre-indications au déclenchement (tableau 27.2)
Il s'agit des contre-indications obstétricales à l'accouchement par voie basse qui regroupent toutes les circonstances où l'accouchement par voie basse est mécaniquement impossible et exclu (par exemple bassin chirurgical, disproportion fœtopelvienne, placenta prævia, obstacle prævia, présentation transverse) ou à risque de lésions périnéales sévères (par exemple antécédent de lésions périnéales sévères, cure de prolapsus). Une RCF pathologique ou préterminal est une contre indication au déclenchement et la césarienne s'impose. Devant des anomalies mineures, sans autre pathologie maternelle ou fœtale, un déclenchement par oxytocine avec surveillance continue du RCF pourra être discuté au cas par cas et envisagé avec l'accord de la patiente. Quelle que soit l'indication, les bénéfices et risques de la césarienne devront être mis en balance avec le déclenchement. Lorsqu'une naissance très rapide s'impose ou si le fœtus est à très haut risque d'acidose, la césarienne devra être envisagée. Au final, le déclenchement sans cause fœtale ou maternelle devrait être discuté en cas de conditions locales favorables, de présentation céphalique et surtout à un âge gestationnel supérieur ou égal à 39 semaines.
Méthodes de déclenchement (tableau 27.3)
De nombreuses techniques ont été décrites pour déclencher le travail mais ne seront traitées ici que les méthodes classiquement utilisées en France.
Décollement des membranes
Il consiste, par un mouvement circulaire du doigt introduit dans le col déjà ouvert, à séparer les membranes de la caduque au niveau du segment inférieur. Il est associé à une augmentation de la prostaglandine F2 -alpha-plasmatique et de la phospholipase A2 endocervicale, qui favoriserait, d'une part, la maturation cervicale et, d'autre part, la contractilité utérine [34]. Ce geste peut être pratiqué en ambulatoire et ne nécessite pas de surveillance maternelle ou fœtale particulière. Concernant son efficacité pour déclencher le travail, les données de la littérature sont de faible niveau de preuve du fait de faibles effectifs des études publiées et d'une grande hétérogénéité dans les méthodologies (âge gestationnel, décollement unique ou itératif, objectif fixé, etc.). Lorsque le décollement des membranes est comparé à l'expectative entre 37 et 42 SA, il augmente de 23 % la probabilité d'entrer en travail dans les 48 heures et de 29 % dans la semaine. Une politique de décollement entre 38 et 40 SA réduirait de 41 % le risque de dépassement de terme (>41 SA) et de 72 % le risque d'atteindre 42 SA. Le décollement diminuerait de 40 % le recours aux méthodes de déclenchement dites « classiques » [9]. En réalisant un décollement chez huit patientes, on évitait un déclenchement « classique ». En revanche, le décollement est douloureux. Il peut provoquer des saignements et augmente le risque de dystocie de démarrage. La patiente doit en être informée. Il n'y a aucune différence en termes de rupture des membranes avant travail, de fièvre maternelle pendant le travail, d'infection néonatale, de césarienne, d'extraction instrumentale [9, 36, 46]. Les études comparant le décollement aux prostaglandines sont peu informatives compte tenu des faibles effectifs et des différents types de prostaglandines utilisés (intravaginal en gel ou insert, intracervical) [9, 36].
Oxytocine en perfusion intraveineuse
L'oxytocine synthétique (Syntocinon®) est identique à l'ocytocine naturelle et présente les mêmes propriétés pharmacologiques. Elle augmente la fréquence et l'intensité des contractions utérines mais elle n'a aucune action dematuration sur le col. L'association à une rupture des membranes précoce réduit le délai déclenchement-naissance et augmente le nombre de naissance dans les 24 heures [1]. Le risque de procidence du cordon existe mais il est très faible et d'autant plus que la présentation est appliquée. Les infections fœtales et maternelles sont rares si une antibiothérapie est réalisée selon les protocoles en vigueur. Toutefois l'administration de doses élevées d'oxytocine S’ouvre dans une nouvelle fenêtre serait associée à une augmentation des risques d'hémorragie du post-partum et d'hyperréactivité utérine [7].
Avec un col favorable, l'induction du travail par oxytocine permet d'obtenir un accouchement par voie vaginale dans les 24 heures dans 90 % des cas, sans augmenter significativement le taux de césarienne par rapport à un travail spontané (11,5 % versus 9,5 %) [1].
Avec un col défavorable, en comparaison avec les prostaglandines E2 intravaginales, le taux de césarienne est augmenté si les membranes sont intactes (32,9 % versus 13,5 %), sauf en cas de rupture prématurée des membranes avant le début du déclenchement (10,9 % versus 10,7 %) [19]. En comparaison avec le déclenchement par misoprostol par voie orale, le taux de césarienne est significativement augmenté, de l'ordre de 23 % [2].
En dehors des contre-indications au déclenchement, il n'existe pas de contre-indication spécifique à l'oxytocine.
Prostaglandines
Prostaglandine E2 par voie vaginale
En France, elle est utilisée sous forme de gel intravaginal ou de dispositif intravaginal à libération prolongée.
La Prostine E2® (dinoprostone) est présentée sous forme de gel vaginal dans une seringue prête à l'emploi, contenant 1 ou 2 mg de dinoprostone. Le gel est placé dans le cul-desac vaginal postérieur et peut être renouvelé toutes les six heures, sans dépasser deux poses.
Le Propess® (dinoprostone) est un dispositif se présentant comme une bandelette souple que l'on place dans le cul-desac postérieur du vagin. Il contient 10 mg de dinoprostone mêlée à un hydrogel permettant une libération prolongée (0,3 mg/h). Le dispositif peut être laissé en place pendant 24 heures. Il sera retiré en cas de mise en travail, d'hyperstimulation, d'anomalie du RCF ou de rupture des membranes car l'inondation par une grande quantité de liquide est susceptible de modifier la cinétique de libération du produit, conduisant à des hyperstimulations. En revanche, la rupture des membranes antérieure à la pose n'est pas une contreindication. Le dispositif doit être retiré 30 minutes avant le début d'une perfusion d'oxytocine. Le Propess® est devenu la prostaglandine la plus utilisée en France pour la maturation cervicale devant le gel du fait de son caractère amovible permettant en théorie de limiter les effets secondaires des hyperstimulations utérines [7].
D'autres prostaglandines existent (la prostaglandine E2 par voie intraveineuse [Prostine E2 ®] en solution et l'analogue de la prostaglandine E2 [Nalador®]) mais elles sont formellement contre-indiquées pour la maturation cervicale à terme en raison de l'hyperstimulation qu'elles entraînent et du risque majeur d'asphyxie fœtale. Les prostaglandines intracervicales (Prepidil®) ne sont plus utilisées en France. Globalement, les PGE2 favorisent les modifications cervicales dans les 12 à 24 heures comparées au placebo (80 % versus 59 %) et augmentent le taux d'accouchement par voie vaginale dans les 24 heures (80 %) par rapport à l'expectative ou au placebo (0 à 1 %) [45].
En cas de col défavorable, il n'y a pas d'augmentation significative du risque de césarienne par rapport à un placebo ou à l'expectative (20,6 % versus 23,5 %), pas de modification du recours à l'oxytocine pendant le travail et pas d'augmentation du risque d'hémorragie du post-partum. Le gel intravaginal de PGE2 favorise les modifications du col dans les 12 à 24 heures (73,5 % versus 51,7 %) mais il augmente le risque d'hyperstimulation avec anomalies du RCF (4,75 % versus 0,5 %) [45]. Comparée aux fortes doses, l'application de faibles doses de PGE2 ne modifie pas le risque de césarienne mais a tendance à réduire le risque d'hyperstimulation avec ARCF (3 % versus 20 %) [45]. Le dispositif intravaginal à libération prolongée de PGE2 semble avoir une efficacité similaire au gel mais il est moins douloureux [47].
Lorsque le col est favorable, des essais randomisés ont montré une efficacité comparable de l'oxytocine et des prostaglandines [45]
Prostaglandine E1
Le misoprostol (Cytotec®) est une prostaglandine E1 (PGE1 ) de synthèse qui est capable d'induire le travail et la maturation du col. Il est utilisable par voie vaginale ou orale, bien qu'il n'ait pas d'AMM dans cette indication [25]. Il a l'avantage d'être très bon marché et de se conserver à la température ambiante. Le CNGOF avait émis un avis d'experts stipulant que « le misoprostol par voie vaginale à la dose de 25 μg toutes les 3 à 6 heures sur col défavorable est une alternative envisageable à la dinoprostone pour la maturation cervicale à teComparé au gel de PGE2 intravaginal, le taux d'accouchement par voie vaginale dans les 24 heures est similaire mais le taux de césarienne est diminué de 22 % avec le misoprostol par voie orale [2]. Plusieurs études randomisées ont montré que le délai déclenchement-naissance était plus court avec le misoprostol par voie orale qu'avec les PGE2 en gel intravaginal ou en dispositif à prolongation libérée. De multiples études européennes ont comparé l'efficacitérme sur fœtus vivant » [25]. Toutefois, il a bien été précisé que la section manuelle des quarts ou 1/8 des comprimés de misoprostol (comprimés de 200 μg bisécables) ne devait pas être réalisée. Cette utilisation devrait être actuellement bien rare car en 2018, la commercialisation du Cytotec®, une des spécialités du misoprostol la plus utilisée a été suspendue. La mise sur le marché récente d'une nouvelle spécialité de misoprostol, l'Angusta® 25 μg par voie orale avec AMM, constitue la nouvelle alternative actuellement. Comparé au placebo, le misoprostol par voie orale augmente le taux d'accouchement par voie vaginale dans les 24 heures (93,6 % versus 59,2 %) et réduit de 30 % le risque de césarienne [2]. Il réduit le recours à l'oxytocine pendant le travail de près de 60 %. L'efficacité de la voie vaginale semble identique à la voie orale pour le taux d'accouchements par voie basse dans les 24 heures et le taux de césarienne [23, 45, 46].Comparé au gel de PGE2 intravaginal, le taux d'accouchement par voie vaginale dans les 24 heures est similaire mais le taux de césarienne est diminué de 22 % avec le misoprostol par voie orale [2]. Plusieurs études randomisées ont montré que le délai déclenchement-naissance était plus court avec le misoprostol par voie orale qu'avec les PGE2 en gel intravaginal ou en dispositif à prolongation libérée. De multiples études européennes ont comparé l'efficacité et la sécurité du misoprostol par voie orale [4, 22] toutefois aucune étude française n'a, à l'heure actuelle évalué l'utilisation de l'Angusta® 25 μg par voie orale. Dans une revue récente de la littérature portant sur le déclenchement du travail, la titration de misoprostol à la dose de 25 μg par voie orale suivie par un autre comprimé de 25 μg toutes les 2–4 heures serait associée au taux de césarienne ou d'échec d'accouchement voie basse dans les 24 heures le plus bas, de même qu'un moindre taux d'hyperstimulation utérine en comparaison avec le misoprostol par voie vaginale, orale (Cytotec®) ou le dispositif de dinoprostone [3, 6]. Dans une étude danoise récente [22], les auteurs ont comparé les résultats du déclenchement avec le misoprostol 25 μg par voie orale et le dispositif intravaginal de dinoprostone, ils n'ont pas retrouvé de différence significative sur le taux d'accouchement par les voies naturelles, même si environ 50 % des patientes ont accouché par les voies naturelles avec le dispositif vaginal pour 16,8 % pour le groupe misoprostol ; une tachycardie fœtale était observée chez 28,4 % des cas avec dispositif de dinoprostone pour 2,3 % pour le groupe misoprostol par voie orale sans asphyxie néonatale dans les deux groupes. Toutefois ces résultats restent à confirmer par d'autres essais cliniques – car la majorité des résultats décrits [3, 6] sont issus d'essais cliniques réalisés en France – afin de corroborer ces résultats en tenant compte de nos pratiques obstétricales. Toutefois, il est admis que le risque d'hyperstimulation avec ou sans ARCF est accru avec le misoprostol, et ce d'autant plus que la dose utilisée est importante [46], avec, dans une étude française, une augmentation significative du risque d'acidose néonatale [40]. En plus des contre-indications au déclenchement, il existe des contre-indications spécifiques à la maturation cervicale par prostaglandines. Elles sont proscrites en cas d'allergie aux prostaglandines, d'asthme et de glaucome. Elles ne doivent pas être utilisées en cas d'utérus cicatriciel car elles sont associées à une augmentation du risque de rupture utérine [17]. En revanche, elles n'augmentent pas le risque infectieux maternel ou fœtal en cas de rupture prématurée des membranes [45]. Peu d'études se sont intéressées aux effets psycho-émotionnels du déclenchement du travail chez les femmes. Dans un essai randomisé suédois récent [44], les auteurs ont évalué le vécu des patientes de leur accouchement selon le mode de déclenchement (misoprostol par voie orale ou dispositif vaginal de dinoprostone). Ils ont également évalué la satisfaction globale des patientes du fait du déclenchement du travail et les facteurs associés à un mauvais vécu. Ils n'ont pas retrouvé de différences dans le vécu de l'accouchement en fonction du mode de déclenchement, toutefois une peur de la naissance préexistante au travail est associée à un mauvais vécu du déclenchement du travail (OR : 3,7 ; 95 % IC [1,04–13,41]).
Maturation mécanique
La maturation mécanique peut se faire à l'aide d'une sonde de Foley (au moins 30 ml), d'une sonde de Dufour no 18, elle comporte un seul ballonnet gonflable à l'aide de 30–50 cm3 de sérum physiologique en extra-amniotique, ou du double ballonnet de Cook (glissé à travers le col ouvert) qui exerce une dilatation mécanique et progressive du col par les pressions appliquées à la fois sur l'intérieur et l'extérieur de l'orifice du col par le gonflement de ces ballonnets. De plus une sécrétion de prostaglandines endogènes par la caduque interne a lieu en réponse à la pression exercée par le ballonnet intra-utérin. Ce dispositif a l'AMM pour la maturation mécanique. Ces dispositifs sont à usage unique et doivent être posés dans des conditions d'asepsie stricte après badigeonnage du vagin et du col à la Bétadine®. Avant la pose, il faut tester la résistance du ballonnet, puis :
tenir le dispositif à l'aide d'une pince désinfectée et l'introduire doucement dans le col;
veiller à ce que le ballonnet gonflable se trouve au-delà de l'orifice interne ;
gonfler le ballonnet avec un minimum de 30 cm3 d'eau stérile jusqu'à 60 cm3 idéalement;
fixer le dispositif sur la cuisse de la patiente sans traction;
enlever le ballonnet au bout de 12 ou 24 heures (en fonction de la tolérance maternelle, de l'activité utérine et du degré d'urgence pour la naissance) puis réévaluer : – si le score de Bishop est supérieur ou égal à 6 : rupture des membranes et perfusion d'oxytocine, – si le score de Bishop est entre 4 et 5 : possibilité de déclenchement par rupture des membranes et perfusion d'oxytocine en fonction des antécédents obstétricaux et des données obstétricales, – si le score de Bishop est inférieur ou égal à 3 : envisager un autre mode de maturation si le temps le permet ou une césarienne.
En 2008, dans les recommandations de la HAS, l'utilisation de la sonde de Foley n'était pas recommandée en routine dans le déclenchement artificiel du travail. Depuis, plusieurs publications ont montré que la maturation mécanique est aussi efficace que les PGE2 et le misoprostol par voie vaginale (même taux d'accouchement par voie vaginale et de césarienne) mais avec un risque d'hypercinésie et d'hémorragie du post-partum moindre [28, 29]. La durée du déclenchement est plus longue mais la réévaluation du col se fait 12 à 24 heures après la pose, alors que ce délai n'est que de six heures pour la PGE2 et trois à six heures pour le misoprostol, permettant une poursuite du déclenchement plus précoce. Dans la description des pratiques de déclenchement en France réalisée par Blanc-Petitjean et al. [7] seules 4,6 % des femmes ont bénéficié d'un ballonnet pour leur déclenchement. La principale indication du ballonnet serait l'utérus cicatriciel. Toutefois le CNGOF avait précisé en 2012 que les données étaient insuffisantes pour évaluer le risque de rupture utérine en cas d'utérus cicatriciel. Alors que taux d'utilisation de la maturation mécanique déclaré en France est très faible, les Américains proposent l'utilisation première du ballonnet pour le déclenchement du travail [6]. Dans leur revue de la littérature basée sur les essais cliniques de qualité scientifique satisfaisante, ils admettent l'absence d'arguments pour recommander une méthode en particulier en se basant sur sa sensibilité et sa spécificité pour déterminer le taux de césarienne après déclenchement. Ils recommandent toutefois un protocole de déclenchement qui consiste en une maturation mécanique première par une sonde de Foley gonflée à 60–80 ml durant 12 heures suivie de la prise de misoprostol 25 μg par voie orale, puis d'un autre comprimé de 25 μg toutes les 2–4 heures s'il n'est pas enregistré plus de 3 contractions par 10 minutes et en absence d'utérus cicatriciel sinon l'alternative consisterait en une perfusion d'oxytocine au bout de 12 heures, l'adjonction de la rupture artificielle des membranes est recommandée. Dans une méta-analyse récente [32], regroupant tous les essais cliniques comparant la maturation cervicale mécanique seule à la prise orale de misoprostol pour le déclenchement de l'accouchement, la sonde de Foley semblait moins efficace que le misoprostol par voie orale car associée à un taux d'accouchement par les voies naturelles plus faible, sans différence en termes de sécurité maternelle, alors que la sonde de Foley pourrait réduire les complications périnatales. Enfin, en France, l'essai randomisé MAGPOP [18] est le seul essai ayant évalué la maturation mécanique avec le double ballonnet de Cook comparé au dispositif intravaginal de dinoprostone dans le déclenchement des patientes en terme dépassé (entre 41 et 42 SA) avec un col défavorable. Les auteurs n'ont pas observé de différence entre le taux de césarienne pour RCF non rassurant entre les deux méthodes. Le temps entre le début du déclenchement et la naissance était plus court dans le groupe dispositif vaginal par rapport au groupe de maturation mécanique (23 h versus 32 h), les patientes ont moins recours aux analgésiques avec la maturation mécanique par rapport au dispositif intravaginal (27,5 % versus 35,4 %). En plus des contre-indications au déclenchement, il existe des contre-indications spécifiques à la maturation cervicale mécanique. Elle ne doit pas être utilisée en cas de rupture prématurée des membranes du fait d'un risque infectieux maternel accru. À membranes intactes, le portage de streptocoque B n'est pas une contre-indication.
Autres méthodes
Les donneurs de monoxyde d'azote (NO) ne sont pas efficaces pour induire le travail à terme sur enfant vivant [41]. La stimulation mamelonnaire semble efficace pour induire le travail dans les 72 heures chez les patientes avec un col favorable, mais moins que l'oxytocine [30]. L'amniotomie seule, l'acupuncture, les rapports sexuels et l'homéopathie n'ont pas été suffisamment évalués.
Choix de la méthode de déclenchement
Un élément clé : l'appréciation de l'état de maturité du col (tableau 27.4)
L'appréciation des caractéristiques physiques du col utérin constitue un des éléments essentiels à analyser pour déterminer les modalités de déclenchement et la chance de réussite. En effet, ces caractéristiques conditionnent, pour une motricité utérine donnée, la vitesse de dilatation jusqu'à 5 cm. Au-delà, cet élément devient secondaire par rapport aux autres facteurs que sont la posture de la parturiente, la position de la présentation, le poids du fœtus et les dimensions du bassin.
Un col défavorable est un col qui expose à une augmentation significative du risque de césarienne en cas de déclenchement par oxytocine, sans phase de maturation cervicale préalable. Le seuil définissant un col favorable reste incertain. Il semblerait qu'un score de Bishop inférieur ou égal à 5 soit associé à une augmentation significative du risque d'échec de déclenchement et définisse donc un col défavorable. En France, une enquête récente a montré qu'un score de Bishop supérieur ou égal à 7 était considéré comme favorable pour 90 % des maternités interrogées [5].
À l'heure actuelle, la supériorité de l'échographie du col (longueur, angle cervical) ou de la distance tête-périnée sur le score de Bishop pour prédire le succès d'un déclenchement n'a pas été démontrée [21, 23].
Quelle méthode pour quelle patiente ?
Lorsque le col est favorable La perfusion d'oxytocine est la méthode de choix. La PGE2 a une efficacité comparable mais le rapport coût/bénéfice est en faveur de l'oxytocine [1].
Lorsque le col est défavorable Une maturation cervicale est recommandée pour améliorer le score de Bishop et permettre un déclenchement par oxytocine, si tant est que la maturation n'ait pas induit le travail. En France, l'étude MEDIP en 2015 sur 94 maternités a montré que les prostaglandines étaient utilisées en majorité (57,3 %) – parmi elles, le dispositif vaginal de dinoprostone était le plus utilisé (71,6 %) puis le gel (20,7 %) et le misoprostol vaginal (6,7 %), l'oxytocine intraveineuse était utilisée en premier dans 36,8 % des cas, le ballonnet dans 4,5 %. L'efficacité des différentes méthodes pour obtenir un accouchement par voie vaginale semble proche. Le misoprostol permettrait d'aboutir à un accouchement plus rapide, au prix d'un risque accru d'hypercinésie et d'hypoxie fœtale. Il est donc à déconseiller sur les fœtus à haut risque d'acidose, comme le RCIU [46]. De plus, il faut rappeler que le misoprostol n'a pas d'AMM dans cette indication et qu'à l'heure actuelle il n'y a pas d'étude française ayant évalué l'efficacité du misprostol 25 μg par voie orale (Angusta®) dans nos pratiques du déclenchement. À l'inverse, la maturation mécanique est associée à un délai maturation-naissance plus long que les prostaglandines. C'est donc à la fois le degré d'urgence de l'accouchement et le risque fœtal d'acidose qui guideront le choix de la méthode. Le décollement des membranes n'est réalisable que lorsque le col est déjà ouvert, à membranes intactes. Il trouve sa place dans les déclenchements non urgents, qu'il soit d'indication médicale ou de convenance. Il peut être utilisé au-delà de 38 SA de façon itérative pour réduire les dépassements de terme, après avoir informé la patiente des désagréments liés au geste et obtenu son accord ou en amont d'un déclenchement médical pour limiter le recours aux méthodes de déclenchement médicales, comme dans le diabète gestationnel non équilibré ou avec retentissement fœtal [14, 15]. Il est difficile à ce jour, en absence de données françaises suffisantes de recommander «un protocole » pour le déclenchement du travail lorsque le col est défavorable.
Cas particuliers
Rupture prématurée des membranes En cas de col défavorable, un déclenchement par oxytocine n'augmente pas le risque de césarienne par rapport à une maturation par les prostaglandines et pourra donc s'envisager d'emblée [1]. Selon les dernières recommandations du CNGOF portant sur les RMTAT de 2020, l'attitude expectative peut être proposée sans augmenter le risque infectieux néonatal et ce même en cas de dépistage positif pour le streptocoque B. Un déclenchement peut être proposé sans augmenter le risque de césarienne. Le moment du déclenchement dépendra de l'organisation des soins en maternité et de la préférence des femmes après les avoir informées des risques et avantages des deux stratégies. En cas de liquide méconial ou de rupture des membranes > 4 jours, il est recommandé de proposer déclenchement [43].
Grossesse gémellaire La grossesse gémellaire n'est pas une contre-indication au déclenchement du travail. Néanmoins, les méthodes de maturation ont été peu évaluées dans cette population. Une étude française récente n'a pas montré de différence en termes de succès avec une population de grossesse unique avec l'utilisation de la dinoprostone en gel ou en dispositif intravaginal à libération prolongée [24].
Présentation du siège La présentation du siège n'est pas une contre-indication absolue au déclenchement artificiel du travail en cas de bonnes conditions obstétricales.
Grande multiparité (≥5 accouchements antérieurs) Le déclenchement du travail par l'oxytocine peut être associé à une augmentation du risque de rupture utérine. Cependant, la grande multiparité n'est pas une contre-indication absolue au déclenchement artificiel du travail, sous réserve d'une indication médicale, d'une information appropriée de la femme et d'une utilisation prudente de l'oxytocine.
Utérus cicatriciel L'utérus cicatriciel n'est pas une contre-indication au déclenchement artificiel du travail mais les prostaglandines sont contre-indiquées du fait d'un risque accru de rupture utérine. Un antécédent d'accouchement par voie vaginale et un col favorable sont des éléments de bon pronostic du déclenchement [17]. L'oxytocine est la technique de référence mais, en cas de col défavorable, la maturation avec une sonde à ballonnet permet d'aboutir à 50 % d'accouchement par voie basse [33]. Le déclenchement doit être mis en balance avec la césarienne du fait d'un risque de rupture utérine multiplié par deux environ en cas de déclenchement par oxytocine et les avantages et inconvénients des deux modes d'accouchement doivent être exposés à la patiente qui devra donner son consentement [17].
Déclenchement avant terme
Avant 34 SA, le col physiologiquement défavorable et la faible concentration des récepteurs à l'oxytocine au niveau de l'utérus exposent à un déclenchement long alors que le fœtus est potentiellement à risque d'hypoxie. Ce qui n'est pas pour autant une contre-indication absolue au déclenchement, mais l'oxytocine sera la méthode de choix devant un col favorable. Après 34 SA, un déclenchement peut être discuté au cas par cas, avec des méthodes similaires au déclenchement à terme. L'utilisation du misoprostol qui n'a pas d'AMM dans cette indication, de la dinoprostone en dispositif intravaginal à libération prolongée qui a une AMM au-delà de 38 SA et du ballonnet ne semble pas judicieuse. Les PGE2 en gel intravaginal et l'oxytocine seront privilégiées.
Déroulement du déclenchement
Information de la patiente (encadré 27.1). Quelle que soit l'indication, la patiente et son conjoint doivent être informés de l'indication, des modalités et des résultats attendus du déclenchement. L'utilisation de médicament hors AMM doit être clairement expliquée. Un document comme celui préparé par le CNGOF peut leur être remis après avoir été commenté et avoir répondu aux questions du couple. L'accord de la patiente doit être indiqué clairement dans le dossier. L'obstétricien en charge du déclenchement est responsable de cette information.
Hospitalisation
Le déclenchement du travail, quelle que soit la méthode, se fait en hospitalisation car les études n'ont pas permis de s'assurer de l'innocuité d'un déclenchement conduit à domicile [31].
Disponibilité des moyens
Il faut s'assurer de la disponibilité des moyens nécessaires à la surveillance maternelle et au monitorage de la fréquence cardiaque fœtale et de la contractilité utérine. Il doit être possible de réaliser une césarienne en urgence dans un délai raisonnable.
Évaluation de l'état fœtal
Un monitorage fœtal doit être réalisé immédiatement avant le déclenchement. Le RCF doit être normal, en dehors des rares indications de déclenchement pour anomalies mineures du RCF.
Antibioprophylaxie contre le streptocoque B
Elle est identique à celle du travail
Conduite du déclenchement
En cas de déclenchement par oxytocine
La patiente est installée en salle de travail, à jeun si le déclenchement est programmé. La perfusion d'oxytocine est débutée à la dose d'une ampoule (1 cm3 = 5 UI) diluée dans 500 cm3 de sérum glucosé isotonique avec une pompe péristaltique (débit 15 ml/h = 2,5 mUI/min) ou dans 49 cm3 avec un pousse-seringue électrique (débit 1,5 ml/h = 2,5 mUI/min). Le débit initial est de 2,5 mUI/min et sera maintenu 20 à 30 minutes pour apprécier la réponse utérine qui est propre à chaque patiente. Le débit est ensuite augmenté de 2,5 mUI/min toutes les 15 à 30 minutes jusqu'à l'obtention de contractions utérines régulières toutes les trois minutes ou un débit maximal de 20 mUI/minutes (soit 120 ml/h ou 12 ml/h). Les protocoles peuvent différer légèrement d'un service à l'autre avec un débit initial et des paliers compris entre 1 à 4 mUI/h, mais la progression lente et la dose maximale doivent être respectées.
L'amniotomie doit être réalisée précocement pour réduire la durée du déclenchement et la quantité totale d'oxytocine administrée. Elle ne doit être réalisée que lorsque la perfusion d'oxytocine a induit des contractions régulières, toutes les trois à quatre minutes, et à condition que le col soit ouvert, quelle que soit la dilatation. Elle ne doit pas être réalisée sur une présentation haute et mobile, surtout si la dilatation est avancée. Ces conditions sont généralement réunies 30 à 60 minutes après le début de la perfusion. La surveillance comprend un monitorage continu du rythme cardiaque fœtal et des contractions utérines [12].
L'efficacité de la perfusion est jugée sur les modifications cervicales. Lorsqu'une activité utérine régulière entraînant une dilatation du col d'au moins 1 cm/h est obtenue, le débit est maintenu stable. Le débit efficace et la quantité totale d'oxytocine sont très variables d'une patiente à l'autre. Il a été monté que l'utilisation d'un protocole d'administration écrit basé sur la réponse clinique (RCF et évaluation de la contractilité utérine) plutôt que sur des débits ou doses de perfusion permettait de réduire les doses injectées d'environ 20 %, sans modifier la durée du travail [46]. La dose efficace minimale doit être utilisée car il a été montré que l'utilisation de fortes doses d'oxytocine augmentait significativement le risque d'hyperstimulation sans modifier le taux de succès ou réduire le délai déclenchement-naissance [10].
En cas d'hypercinésie de fréquence sans anomalies du rythme cardiaque fœtal, le débit doit être réduit. En cas d'hypertonie ou de RCF pathologique, la perfusion doit être arrêtée immédiatement. Une tocolyse d'urgence complémentaire peut être nécessaire. Cette tocolyse peut être réalisée par les dérivés nitrés, qui ont remplacé les bêtamimétiques induisant de nombreux effets secondaires maternels. La trinitrine (Nitronal® injectable 1 mg/ml, à diluer 0,5 mg dans 10 ml, soit solution de trinitrine à 50 μg/ml) peut être injectée en intraveineuse directe à la dose de 100 à 150 μg (2 à 3 ml), renouvelable après une à deux minutes [20]. En cas d'échec, le traitement de référence reste l'anesthésie générale avec de fortes concentrations d'halogénés.
En cas de maturation cervicale
Selon l'organisation locale, la patiente est installée à proximité d'une salle de césarienne (salle de travail, de prétravail ou service proche) et un monitorage fœtal continu doit être réalisé pendant au moins deux heures après l'administration du produit choisi. En l'absence d'anomalie, le monitorage peut être ensuite intermittent jusqu'au début du travail. En l'absence de mise en travail et en fonction de l'urgence de la naissance, la situation pourra être réévaluée toutes les trois à six heures avec le misoprostol, toutes les six heures avec la PGE2 en gel intravaginal, toutes les 12 heures avec le dispositif intravaginal à libération prolongée ou un ballonnet. Si le col n'est toujours pas favorable, la prise de misoprostol peut être renouvelée deux fois le premier jour et trois fois le deuxième jour. La pose de gel de PGE2 peut être renouvelée deux fois. Le dispositif intravaginal à libération prolongée de PGE2 peut être laissé en place 24 heures au total. Le ballonnet ne doit pas être laissé en place plus de 12 heures. En cas d'échec de maturation, une autre méthode de maturation peut être utilisée [5]. En cas de col favorable, le déclenchement sera poursuivi par une perfusion d'oxytocine qui pourra être débutée 30 minutes après l'ablation du dispositif intravaginal à libération prolongée ou du ballonnet, six heures après la pose d'un gel de PGE2 , quatre à six heures après l'administration de misoprostol. En cas de déclenchement par un dispositif intravaginal, la survenue d'une RPM ou d'une hypertonie utérine doit conduire à l'ablation immédiate du dispositif. Une tocolyse d'urgence complémentaire peut être nécessaire.
Place de l'analgésie péridurale
La pratique de l'analgésie péridurale au cours du déclenchement du travail est bénéfique en limitant le stress (qui augmente les catécholamines circulantes et diminue le débit sanguin utérin), en supprimant la douleur et la fatigue maternelle. Elle est particulièrement indiquée lorsque les conditions laissent prévoir un travail de longue durée. Cependant, une pose trop précoce peut favoriser la survenue d'une dystocie dynamique et augmenter le risque de césarienne.
Conclusion
Lorsque les conditions locales sont favorables (score de Bishop ≥ 7), le déclenchement par perfusion de Syntocinon® et la rupture artificielle des membranes sont les techniques de choix. Lorsque les conditions locales sont défavorables (score de Bishop <7), une maturation du col par les prostaglandines par voie vaginale ou par ballonnet est nécessaire. Les prostaglandines sont contre-indiquées en cas d'utérus cicatriciel.
Les auteurs de ce chapitre
Doret Muriel Professeur des universités-praticien hospitalier, gynécologue-obstétricien, service obstétrique, hôpital Femme Mère Enfant, Bron Massoud Mona Praticien hospitalier, gynécologue-obstétricien, service obstétrique, hôpital Femme Mère Enfant, Bron et Équipe FLUID, centre de recherche en neurosciences de Lyon, INSERM U1028, CNRS UMR5292, Université Claude Bernard Lyon-1
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